mardi 4 janvier 2011

Comme la fibre de verre


J’ai parfois l’impression que le papier est si mince sur l’encre de mes mots, qu’ils pourraient s’effacer, s’estomper, se diluer, se déchirer, s’envoler, se mêler à la neige sans jamais que personne ne le sache. Et que la différence serait aussi grosse que le petit pois vert sous les matelas de la princesse.

J’ai parfois l’impression que le fil est si mince entre s’effondrer et s’élever.

Se réveiller ou rester endormis. L’instant s’échappe si facilement. Entre se rouler sous les draps ou enfiler ses souliers pour aller courir sur les -20 degrés de l’hiver. Entre éviter le regard des gens, esquisser un sourire inachevé aux passants, ou s’accrocher sans raison à un regard perdu, saisir pendant un instant une parcelle secrète de lui et lui offrir le plus beau sourire au monde. Que la seconde, telle une mèche, est si courte et fragile, elle semble vaciller dans l’espace-temps comme un navire sur la tempête, s’accrocher à la réalité comme la toute dernière feuille de l’arbre que la moindre brise menace. Celle où on songe à abandonner, cette seconde frémissante, celle juste avant que ce courant nous traverse les entrailles pour nous forcer à finalement attaquer la dernière côte. J’ai parfois l’impression que le geste est si délicat qu’il en est presque transparent, ce geste où l’on décide finalement de prendre ce pinceau égaré pour permettre au mystérieux barbeau de notre être de se matérialiser, de traverser notre enveloppe corporelle pour atterrir sur la matière afin d’exister un peu plus fort, laisser naître l’inconnu, imprimer une parcelle de nous, inventer un nouveau morceau au casse-tête de l’Univers. L’instant est si pâle et insaisissable, semblant ne pas exister tout à fait, vulnérable au moindre bouleversement, et pourtant. Et pourtant si déterminant.

Ces petites secondes précieuses qui flacottent au vent, épinglés sur le fil du temps, entre les divers coups de vents possibles aboutissant pourtant à des endroits si différents, soit au pôle Nord ou au pôle Sud, à la catastrophe ou au miracle, au médiocre ou au magnifique. C’est de ces instants aux habits si modestes dont dépend l’Univers. De ces instants que naissent les plus grands changements, de ces secondes pourtant si vite oubliées et tassées. De ces instants futiles et discrets qui existent entre le moment ou l’être-humain, assis depuis toujours, décide de se lever. Ces secondes intouchables où naît miraculeusement dans son esprit l’idée que tout n’est pas perdu, que ça vaut peut-être la peine de continuer, d’accomplir de grandes choses, de défléchir les jambes, de saisir le pinceau, de courir les cinq derniers mètres, de retrousser un sourire, d’écrire ce petit texte.


Juste pour voir.


... J’ai parfois l’impression qu’il serait si facile de passer à coter de sa vie, de ne faire que l'effleurer, sous prétexte que le chemin n’est pas toujours tracé quelque part, mais qu’il le serait tout autant d’accomplir des choses si formidables que les mots ne sauraient l'exprimer. Que tout cela ne tiendrait qu'à de la fibre de verre.

2 commentaires:

Édouard Duplessis a dit…

tu es mon idole pour toujours.

francois a dit…

tu es belle a lire !! change pas sarah tralala !